Carnet de création

 

En fermant les yeux, elle se mit à rêver.

-Boudiou de boudiou pas encore du rêve ! -On veut un cauchemar, on veut un cauchemar ! Criait la foule emmitoufflée.

Qu'à cela ne tienne ! Rien de mieux qu'un peu de sang pour aiguiser les sens endoloris.

-Macabre la bonne femme, ce matin. -Je dirai même plus, à côté de ses pompes. -Oh, vous savez moi, depuis que je suis ici, je me suis habitué à ces étés damnés.

C'est ca, pauvre petite conscience rabougrie qui me bouffe les entrailles et m'empêche de battre des ailes.

-Je me meurs. Dit l'ennui avec cette petite voix monocorde.

-Trucide-toi sans moi. Lui répond la créature.

La chanteuse hululait dans la nuit bleue, lavant ses peines à même le caniveau. C'est que le caniveau poursuit même les plus pures. Les plus chastes ne sont jamais celles que l'on pense.

Ailleurs, la fête bat son plein. Le clapotis du ruisseau entame la mélodie du plaisir. Des silhouettes se dessinent sur le visage de dame lune trop occupée à se faire chanter la pomme par sieur soleil pour voir ce qui se passe ici-bas. Il est minuit passée et déjà des enfants naissent et d'autres meurent. Il est minuit et pendant que d'autres concoivent la vie par un rapprochement corporel, d'autres zigouillent à qui mieux mieux.

-Ici Addis, les nouvelles du front ne sont pas bonnes. -Ici, l'Erythrée, les voilà qui nous foncent dedans encore une fois. -Allo,allo ici Papouasie, le raz de marée a tout détruit. -Ici Kaboul, je ne peux plus travailler. -Des vivres, s'il vous plaît. -Soyez généreux et parrainez un enfant. -Ma fille a la leucémie et ce matin une petite m'a ramené ses douze $ d'économie pour la collecte que j'entreprends.

Et j'en passe, et j'en passe. Pendant ce temps, dans son petit confort douillet la créature que je suis joue au pitre en alignant ces mots sur son clavier. Voilà pourquoi je rêve, car même ce dernier n'est plus permis pour la majorité du monde vivant. Moi, je n'aime que les enfants et les amoureux, les uns pour leurs regards inquisiteurs et curieux, les autres pour leurs regards emplis de foi en l'inconnu. Je vous dis, il y a des matins où se réveiller prend toute l'énergie du monde. Manger et penser qu'ailleurs d'autres crèvent de faim, du coup t'as plus le goût.

- Il fallait te faire missonnaire.

Il y a des moments où vivre semble si lourd comme fardeau. Et chaque fois que la créature se retourne, les images la plaquent. Fulgurantes, la laissant à bout de souffle. Il est des jours où aimer semble si facile et haïr si difficile. Il est des heures où le firmament vous pousse à flirter avec le non dit. Les mots vous échappent et bang, c'est la culbute. Fonce Alphonse ! Et n'aie crainte, les excès de vitesse sont chose du passé. Cette maudite autoroute sinueuse qu'est ta pauvre petite existence. Que de récifs, que de ravins. Seulement, c'est bien là que les trésors se terrent. Ces trésors qu'il vous faut polir et polir afin de voir l'éclat de la pierre. Nah ! tout ça, c'est dans les contes que notre pauvre petit imaginaire féminin nourri à la Cyrano et pamplemousse veut bien te faire croire. L'or est or, la fange est fange. Pas la peine de chercher midi à minuit. (pour faire différent de midi à quatorze heures : -).

- Un jour où seul le rêve et le désir règneraient. Du coup, le reste disparaît dans le puits de l'oubli. J'oublie tout sauf ton regard.

Vos mots dagues dessinent passages où s'entremêlent larmes et volupté Vos mots armes annoncent ravages des sens et éveil des sensibilités Poètes, écrivains Mon être pour parchemin Inscrivez-y en lettres rouge vin. Vos mots fous sur ma mémoire écrin.

Asma Regragui.